Durs Grünbein, « Deux poèmes »
DR
« Un mouvement
Ce petit coup de vent éphémère, tourbillon aérien
infinitésimal, quand un
moineau effrayé s’envola sous
mon nez, déjà il était
hors de vue, et une des
feuilles les plus légères le suivit déchiquetée dans
son sillage. (1988)
D’un livre des faiblesses
Un gigantesque agenda, cette vie –
Si différente de ce qu’on attendait, et pourtant telle.
Nous nous voyons, en fermant les yeux,
Dans un ascenceur qui passe par les années comme par des étages.
Souvent, quelqu’un descend en route, court dans le couloir
À la rencontre de lui-même, son propre double.
On trébuche une moitié du chemin, on frappe à la mauvaise porte
Parce qu’un cœur est dessiné dessus. Et alors –
S’affaisser d’épuisement fait tellement de bien.
Chaque jour à présent un pétale tombe
Du bouquet de fleurs délirant qui, hier, manquait
De faire exploser le vase par sa splendeur.
Hortensias bleus, anémones sauvages, tulipes noires –
Tout ça à l’air d’une improvisation libre :
Études pour un piano d’enfant – vers inconsistant.
Et cette inconsistance veut dire : nous mourons
Imperceptiblement ; et soudain nous prenons plaisir
À vivre comme si nous étions immortels,
Alors que l’écriture nous endigue et que le moindre
Mot est crucial. Alors vas-y,
Écris un livre sur tes faiblesses quotidiennes. (2017) »
Durs Grünbein
Presque un chant
suivi de « Notes sur moi-même » par l’auteur
Traduits de l’allemand et présenté par Jean-Yves Masson & Fedora Wesseler
Coll. Du monde entier, Gallimard, 2019