Herberto Helder, « Du monde »
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« Celui qui atteint son poème par ce que les poèmes ont de plus haut,
touche au lieu où c’en est fini du monde : je ne le veux pas
pour le charme, ou l’erreur, dit-il,
je le veux pour l’étoile plénière qui existe à certains endroits de certains poèmes
abrupts, sans indication d’auteur.
Il y découvrit ce que tout cela contenait
d’âpreté :
plutonium, l’abîme.
La lune travaillait à la vitesse de la splendeur.
Les clous vivants au-dedans de la tête, je sais.
Un vase fait sur le vif, soufflé chaud, dit-il, je sais.
Le système du son au plus secret du poème à jamais,
poème intact, de
musique et
d’exaltation.
Où se trouve pour le délire, dans la partie
haute, dévorée par l’or, la partie inhospitalière.
Hanté aussi par le plus simple :
quantité et fraîcheur, un exemple :
les fruits enivrent.
Quelqu’un a dit : l’étoile absolue a pénétré ta douceur.
De traverse en traverse d’os – parce que tu étais vierge – alors elle te transmua,
fils.
La bouche meurtrie par l’air inspiré, l’air expiré.
Brûlé là où la chair se ferme, ou bien ouvert peut-on
dire
comme un trou de matière maternelle.
Un âpre tas de sacs en haut :
des sacs brillants, des sacs de sang amarré.
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Miroir qui regarde un miroir : image
arrachant à l’image, oh
merveille de sa profondeur même, l’eau vive
que son œuvre enchâsse, lumière tissée
pour qu’on voie la lumière.
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Œuvre à cette chose ancienne tandis que le monde marche
sur son centre,
comme si chaque point de ton ouvrage formait le cœur du monde. »
Herberto Helder
« Du monde » – 1994
in Le poème continu – 1961-2008
Traduit du portugais par Magali Montagné et Max de Carvalho
Préface de Patrick Quillier
Chandeigne, 2002, réédition, Poésie / Gallimard, 2010