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  • Elizabeth Willis, « Fleurs météoriques »

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    DR

     

    « LE GRAND ŒUF DE LA NUIT

     

    L’enfance nous montre sa lune grâce aux nuages brumeux, un courant d’air ascendant presque lavé de toute intention. Manipulée et monnayée dans l’ombre subalterne, je ne pouvais pas me débarrasser du souvenir d’un train qui striait les collines de blanc. La colonne en reddition déverse ses uniformes. Des épiphanies gantées de vélin nous dépassent à vive allure dans leur grosse cylindrée. Dans les mots des jonquilles, suis-je avec mon foulard plus jolie que la cendre projetée par la roue ? Quelle forme prennent les femmes ? Ou elle est-il pris comme chemin menant à une métaphore verglacée, une graine plus facile à écraser qu’à ouvrir ? Un mot peut-il être renversé par jeu, ou faut-il une étincelle perdue pour embraser ton arsenal de dentelle ? Le bleu le plus sombre est noir, au bord de la perception. Je donne à la fraîcheur le signal du départ, une chance de gagner, j’orchestre notre descente vers des destinations décentes, je pilote jusqu’à la maison. »

     

    Elizabeth Willis

    Fleurs météoriques

    Traduction collective de l’américain au CIPM, relue par Emmanuel Hocquard & Juliette Valéry

    CIPM / Un bureau sur l’Atlantique, 2009

    http://cipmarseille.fr/publication_fiche.php?id=e36821f7efa9bb06d8ee52680142ad90

    http://cipmarseille.fr/pop_audio.php?id=200

  • Tom Raworth, « Cat Van Cat »

    TR par Charles Bernstein.jpg

    © Charles Bernstein

     

    « TOUT UN COUP

     

    l’alphabet se demande

    ce qu’il devrait faire

    le papier se sent inutile

    les couleurs perdent leurs nuances

     

    pendant que toutes les notes de musique

    ne jouent plus qu’en bleu

     

    au bout du lac

    un peuplier lombard

    ombre la terre

    parsemée de duvet de cygne

     

    voilant la rumeur

    de la route au sud

     

    au-dessus dans le ciel de nuit

    éparpillés au hasard

    les étoiles cessent leur mouvement

    les coquelicots ne dansent pas

     

    dans l’herbe immobile le long

    du chemin personne ne marche »

     

    Tom Raworth (19 juillet 1938-8 février 2017)

    Cat Van Cat

    Traduit de l’anglais par Liliane Giraudon, Audrey Jenkinson, Yvan Mignot, Florence Pazottu, Jean-Jacques Viton

    Coll. Les comptoirs de la Nouvelle B.S., cipM, 2003

    https://www.youtube.com/watch?v=YyMcd0BoRZE

  • Emmanuel Hocquard, « Ce qui n’advint pas »

    Emmanuel Hocquard.jpeg

    DR

     

    « LA DESTRUCTION D’UNE VILLE

     

    j’ai construit

    une ville de sable

       de marbre

    d’eau

                                      à l’embouchure du fleuve

    Élégie 7

     

    Chacun des souvenirs que j’ai de Tanger, aussi éloigné dans le temps soit-il, est lié à un endroit très précis de la ville ou de ses environs.

     

    Si, aujourd’hui, me revient un souvenir marquant, je le localise immédiatement. Le muret blanc qui sépare la cour de récréation du terrain de gymnastique du lycée Regnault, les feuilles gris vert de la rangée d’iris au fond de la cour, le balcon de l’immeuble de la rue Quevedo, en face, où la fille sans prénom apparaissait et s’attardait un moment avant de rentrer chez elle.

     

    La fille n’est pas dans le paysage existant. C’est à partir de la fille que s’organise instantanément ce morceau de paysage.

     

    Mon Tanger n’est pas celui des plans de Tanger. Il est fait de bouts discontinus d’espaces et de temps, d’émotions, de sensations, de segments de parcours isolés les uns des autres, raccordés les uns aux autres ou troués de vide où il ne s’est jamais rien produit dont je me souvienne.

     

    Il y avait, au début de la route de Tétouan, une rivière où je me baignais parfois. K N se baigna un jour dans cette rivière, en amont de l’endroit où je me tenais face au courant.

     

    Cette rivière, je ne saurais dire, en vérité, si elle a jamais existé. Je pense que oui, sans en être sûr, mais elle n’existe plus aujourd’hui. Une rivière peut-elle disparaître en quelques années ? Ce que je sais c’est qu’elle ne figure pas sur mon plan de Tanger.

     

    Deleuze a établi la différence entre un calque et une carte. Ce qu’il appelle calque est en fait ce qu’on appelle habituellement carte. Pour lui, la carte est tout autre.

     

    “Faire la carte, et pas le calque. Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérience en prise avec le réel. La carte ne reproduit pas, elle construit. La carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications, […] On peut la dessiner sur un mur, la concevoir comme une œuvre d’art, la construire comme une action politique ou comme une méditation.”

     

    L’ensemble de mes livres dessine ma carte de Tanger. »

     

    Emmanuel Hocquard

    Ce qui n’advint pas

    Une grammaire de Tanger V – post-scriptum

    Coll. ‘‘‘Le Refuge en Méditerranée’’’,

    Centre international de poésie Marseille, 2016

  • Jean Daive, Intégrale et latéralité, Jean-Pierre Bertrand, Une approche phénoménologique

     

    0b0da7836a0a448f82c6a629eb54366f_publication_20100514172641.jpgMalgré ses deux titres et ses deux auteurs le cipM publie bien un seul livre constitué de trois éléments : un trait sinueux de Jean-Pierre Bertrand, des réflexions (des poèmes) de Jean Daive, un entretien entre Jean Daive et Jean-Pierre Bertrand, le tout discontinu, d’arrêts en reprises, vers la rencontre, vers la fin provisoire du trait, du livre.

     

    Il faut voir l’extraordinaire travail de Jean-Pierre Bertrand — miel, citron, papier, mine de plomb ou graphite, acrylique, plexiglas, boîtes à sel en fer blanc, or, sucre, cirage, eau chaude… entremêlements sans fin —, travail poursuivi de jour en jour, jusqu’à, par exemple, dans la chapelle de la Salpêtrière, l’installation dans l’exposition de citronniers autour d’un miroir octogonal. Ce travail est sans équivalence, à l’écart, en équilibre, et échappe le plus souvent à l’interprétation ce qui n’est pas pour me déplaire. Ainsi du trait à la mine de plomb qui traverse ce livre, s’interrompt, reprend, dont on peut soupçonner qu’il a été fait en ne levant la main qu’une fois afin de mieux contraindre le livre à l’explosion, à donner aux textes l’espace infini — aussi mince que l’air entre deux feuilles — « Mon travail a à voir avec le papier. ». Ce travail n’est ici visible qu’à travers les mots  et ce mince trait de crayon mais il est aisé de le découvrir ailleurs.

     

    « C’est le propre de l’œuvre d’art : une démultiplication de par le monde. Il n’y a plus de livre, il n’y a que des pages sans ordre. La notion de charnière est liée à l’arrivée du livre, à l’alliance judéo-chrétienne. Je veux dire que l’alliance commence avec le livre. Dans l’Ancien Testament, la charnière était invisible. L’arrivée du livre se fait avec la charnière. Ce que je montre n’est ni le rouleau, ni le livre, mais les pages d’un livre démultiplié de par le monde. » En ceci, Intégrale et latéralité me semble pouvoir être  considérée comme la pensée visible de l’artiste. Son audace aussi, la multiplicité de ses travaux, de ses approches — peintre — ce n’est pas aussi simple : « beaucoup de mes pièces s’appellent “mixed mediums” » —, écrivain, photographe, cinéaste. L’entretien qui date de 1985 à l’occasion d’une exposition à Beaubourg — est publié pour accompagner l’exposition  « De ce qui se fera, De ce qui sera fait » que le cipM a proposé du 21 mai au 27 juin 2010 — et on découvre Jean-Pierre Bertrand à travers ce que Jean Daive l’amène à dire, sans peser, ni le presser jamais — soulignant dans ses textes en aparté ce qui lui semble la véritable chimie de l’œuvre. Crusoë — source, on s’en souviendra comme d’un élément fondateur d’un travail où l’accélération, l’imprévu, l’idée, la forme, la surface — « une idée c’est déjà énorme, une forme, c’est énorme » — sont les éléments d’une histoire, d’un conte, résolument risqué, résolument moderne — au sens rimbaldien.

     

    Claude Chambard

     

     

    Jean Daive, Intégrale et latéralité/ Jean-Pierre Bertrand, Une approche phénoménologique

     cipM

     88 p. ;  50 €

     Cette chronique a paru une première fois dans CCP n° 20

  • Emmanuel Hocquard, "Les Coquelicots"

    des espaces qui ne communiquent pas

     

    Un jour, enfant, au cours d’une promenade estivale dans la campagne en fin d’après-midi, j’ai vu des coquelicots en bordure d’un champ, au bout d’une petite route, quelque part entre la Villa Harris et le Cap Malabata.

     

    En dépit de sa banalité, l’impression que m’a laissée cette vision est l’une des plus fortes qu’il m’ait jamais été donné d’éprouver. Chaque fois que je vois des coquelicots, c’est cette image qui revient me faire battre le cœur.

     

    Coquelicot : onomatopée du cri du coq (coquerico, cocorico). Petit pavot sauvage à fleur d’un rouge vif, ainsi nommé par référence à la couleur de la crête du coq.

     

    L’émotion (la sensation, aurait dit Matisse) contient tout. Les circonstances ne l’expliquent pas ; ce sont elles, au contraire, qui se trouvent mises en question.

     

    C’était quelque part au début d’un été. Coquelicots contiennent été et quelque part.

     

    Que dire  de l’impression ressentie alors ? Ni surprise, ni étonnement, ni joie particulière. Juste une légère sensation d’étrangeté. De décalage. Rien d’autre.

     

    Un été. Nulle part. Loin de. À l’écart. Un champ quelconque. Pas d’arbres. Personne. Pas de voix. La petite route — pas un chemin — menant à ce champ et tournant en u pour revenir sur elle-même.

     

    La route des coquelicots.

     

    Aujourd’hui elle n’existe plus. Le champ non plus.

     

    Reste l’image des coquelicots.

     

    L’étrangeté.

     

    La solitude.

     

    Emmanuel Hocquard,CIPM,TangerEmmanuel Hocquard

    Les coquelicots. une grammaire de tanger iii

    Centre international de poésie Marseille,

    coll. ‘“Le Refuge en Méditerranée”’

    avril 2011

    60 p. ; ill. ; 10 € www.cipmarseille.com

  • Le CIPM en danger, réagissons !

    arton91.jpg2013 Marseille capitale européenne !

    Afin de faire profiter chacun de cet évènement, la subvention attribuée par la municipalité au CIPM – Centre International de Poésie Marseille – sera amputée cette année de 30 000 euros.

    Marseille, capitale du paradoxe ! Signez cette lettre à M. Gaudin, ci-devant sénateur maire de la dite ville & pésident du groupe UMP au Sénat.

     

    Lettre ouverte à Monsieur Jean-Claude Gaudin, sénateur maire de la Ville de Marseille


    À l’heure même où le « coup d’envoi » de l’année capitale était donné par l’ensemble des collectivités territoriales, réunies avec enthousiasme autour du projet porté par Monsieur Bernard Latarjet lors de la conférence de presse du 24 février dernier, nous apprenions que la subvention octroyée par la Ville au centre international de poésie Marseille [cipM] serait amputée en 2011 de 30.000 euros.

    Nous sommes stupéfaits et outrés qu’une telle décision – dont la motivation n’a pas été donnée à ce jour – soit prise au moment même où il est demandé aux structures culturelles de la Ville de se mettre « en ordre de marche » pour relever le défi 2013, faisant fi des engagements pris solennellement par l’ensemble des collectivités – dont la Ville – de maintenir, à minima, les budgets de fonctionnement de nos structures.

    Nous en appelons à votre responsabilité, Monsieur le Sénateur Maire, ainsi qu’à celle de nos élus à la Ville de Marseille, pour revenir sur cette décision qui, non seulement hypothèque ses projets engagés pour 2013, mais de plus, mettrait en péril le fonctionnement et les activités d’une structure qui, depuis plus de vingt ans, oeuvre à la promotion de la poésie contemporaine, aux plans local, national et international – notamment à travers des coopérations et des échanges fructueux et continus avec les pays du pourtour méditerranéen.

    Nous rappelons ici que le cipM, c’est, chaque année :
    • Une soirée hebdomadaire de lectures données par des auteurs
    • La publication de 12 cahiers consacrés à ces auteurs invités
    • La publication de deux numéros d'une revue critique de poésie de plus de 300 pages
    • La publication d'ouvrages bilingues présentant les textes d’auteurs étrangers et français, résultant d'ateliers de traduction collective ; avec notamment des poètes de la Méditerranée [Syrie, Liban, Maroc, Algérie, Egypte, Palestine, Catalogne…]
    • La publication de livres
    • Une dizaine d’expositions
    • Un colloque
    • Quatre résidences d’auteurs, de plusieurs mois chacune ; dont deux résidences organisées au Maroc et au Liban.
    • Des stages et des ateliers de lecture et d’écriture pour les jeunes publics
    • Des événements co-produits avec de nombreux partenaires culturels du territoire
    • Un site internet ressource ...

    De plus, le cipM a constitué une bibliothèque, dont le fonds – ouvert gracieusement au public – est riche de plus de 50.000 livres, revues, documents sonores et vidéographiques, dont la rareté et la diversité en font un centre de ressources unique en France [nous en voulons pour exemple la donation par Jacques Roubaud de sa bibliothèque américaine]. Le cipM est aujourd'hui en pourparlers avec la Bibliothèque Nationale de France pour en devenir un pôle associé dans le domaine de la poésie.

    Son équipe est constituée de 7 permanents [6 équivalents temps plein], ce qui représente un minimum pour mener à bien toutes ces missions.

    Par ce courrier, nous venons exprimer notre solidarité inconditionnelle à l’égard d’une structure dont le travail mené sur ce territoire est vital pour les auteurs, artistes, revues, éditeurs, et essentiel pour les publics de la poésie contemporaine ainsi que pour ses partenaires culturels, d’ici et d’ailleurs.

    Une partie de la programmation 2011 du cipM est déjà annulée – notamment les rencontres Poésie & Rock qui devaient se tenir en mars, en partenariat avec le GRIM, sur plusieurs lieux de rencontres et de concerts [cipM, Bibliothèque de L'Alcazar, L'Enthropy, La Machine à Coudre, L'Embobineuse…].

    Ces annulations seront accompagnées de licenciements si cette baisse annoncée n'est pas corrigée.

    Nous exprimons donc notre détermination à combattre une décision que nous jugeons dangereuse pour l’avenir de la création contemporaine à Marseille, dont la poésie est l’une des composantes fondamentales.

    Nous vous prions de croire, Monsieur le Sénateur Maire, à l’assurance de nos sentiments respectueux,


    Signer la pétition en ligne

    http://www.petitionenligne.fr/petition/lettre-ouverte-a-monsieur-jean-claude-gaudin-senateur-maire-de-marseille/974