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Au jour le jour - Page 7

  • Malcolm Lowry

    VIEUX CARGO DANS UNE VIEILLE RADE


    « Il n’y avait pas de nom et nous accostâmes à minuit.
    Les cinq filles qui riaient ensemble à la lumière du réverbère
    Bras autour de la taille, dans le parking aux ombres mortes,
    Ne purent ranimer nos cœurs empoisonnés de salure marine.
    Il n’y avait pas la moindre beauté dans cet endroit.
    Mais au réveil matinal, découvrant comme à portée de main
    Le quai, la route, le marché, le cadran de l’horloge amie,
    – La physionomie d’une terre nouvelle –
    Notre drapeau flottant printanièrement au mât du bureau de poste,
    Chaque pierre étant comme la promesse d’un courrier de femme
    Aimée, tandis que montaient à la chaîne de notre coque rouillée
    Les automobiles à forme géométrique étincelant dans le soleil –
    Ce fut urgence pour Christian de quitter le Marais Désespoir,
    Pour Crusoé d’apercevoir le pas de Vendredi dans le sable. »

     

    400929044.jpgMalcolm Lowry
    Poèmes choisis de Dollarton
    traduit de l’anglais par Jacques Darras,
    in Romans, nouvelles et poèmes
    traduits par Georges Belmont,
    Jacques Darras, Jean Follain,
    Clarisse Francillon et Suzanne Kim.
    Présentation, notices, notes
    Jacques Darras
    La Pochotèque, 1995
  • Siegfried Plümper-Hüttenbrink

    100477758.jpg« Ainsi s’écouterait-on lire, jusque fort tard, dans la nuit, du fond de son oreille. À flotter et s’absorber épongeusement – comme seul un buvard sait le faire – au plus creux de ce que serait notre silhouette de lecteur.  L’épelant en aveugle, du bout des doigts se la tâtant hâtivement en tête, la palpant dans sa découpe d’ombre.
    Silhouette de nous-mêmes, elle l’est, à nous faire toucher à nous-mêmes en notre absence. Tactile – absente – muette.
    Penché à la renverse, nous retournant d’entre le froissé des pages, dans un corps tenu en éveil, comme blanchi de son ombre, chu en inertie… Une sorte de poids mort, de gisant dont seule l’ouïe resterait vive, et que serait le corps lisant d’un dormeur qui n’en finirait pas d’enregistrer une espèce d’histoire à dormir debout. »
    Siegfried Plümper-Hüttenbrink
    De la lecture
    (Selon Walter Benjamin et Ludwig Wittgenstein)
    La main courante, 2006

  • Christophe Tarkos

    1906283801.jpg« Je suis un poète français. Je travaille pour la France. Je travaille à la France. J’écris en français. Je serai un poète de la France. J’écris en langue française. La langue française est le peuple français. Il n’y a pas de peuple de France sans la langue de France. La langue de la France n’existe qu’à travers ses poètes, la langue est une langue quand elle est une langue vivante, le poète vivifie la langue, rend la langue vivante, elle est vivante, elle est belle. Le peuple français se définit d’abord par le peuple qui parle français. Le peuple français parle français grâce à ses poètes qui vivifient sa langue. Le poète sauve la langue, sauve le peuple, sauve la France. Le poète qui sera reconnu patrimoine national de la nation, je suis français, j’appartiens au patrimoine national de la France. Je suis un poète de la France. »
    Christophe Tarkos
    Pan
    P.O.L, 2000

  • Rafael José Díaz

    LA SORTIE, LE RETOUR*

    691446098.jpg« La balustrade du rêve au petit jour
    ou dans la nuit haute, blanche, obscure.
    Je sors jusqu’à elle, jusqu’à la mousse qui la recouvre,
    jusqu’à son contact humide, pour voir mes yeux
    ou les tiens entre les branches mouillées
    des saules, pour écouter les voix
    sur l’herbe, dans l’eau qui dort.
    Je reviens à ma chambre et c’est toi
    qui dors, qui parles et tes yeux
    me couvrent du contact humide de la mousse
    de la balustrade du rêve au petit jour
    ou dans la nuit haute, blanche, obscure. »
    Rafael José Díaz
    Le Crépitement
    Traduit de l’espagnol par Bernard Banoun*,
    Jacques Ancet, Roberto San Geroteo, Claude Held et Guy Rochel
    L’Escampette éditions



  • Roger Lewinter

    443784274.jpg« En tout être, il y a une étincelle, qu’il peut laisser s’éteindre ou entretenir jusqu’à ce qu’elle l’embrase tout entier. Pour le feu, cela ne fait guère de différence, mais cela en fait pour la vie qui s’éclaire ainsi. Servir le feu : retourner au feu. »
     
    Roger Lewinter
    Le centre du cachemire (roman aphoristique)
    Éditions Ivrea, 1998

  • Michel Deguy

    958709296.jpg« Vous y êtes vous n’y serez plus.
    Vous n’y serez bientôt plus vous n’y êtes déjà plus
    Soustrayez-vous. Le temps devient cosmique
    Vous  y êtes encore. Nous n’y serons bientôt plus
    Plus personne. Cela aura été      faites comme si nous y étions comme si nous n’y étions plus. »
    Michel Deguy
    À ce qui n’en finit pas (thrène)
    Coll. La Librairie du XXe siècle, Seuil, 1995

  • Hélène Mohone

    755675861.jpg« (ou est-ce perdu)
    je t’ai vu toi à aimer renoncer à cueillir ce qui restait jambes brisées j’ai ramassé les lettres les ai pliées tout assourdie avec l’enfant autrefois qui me ressemble ou est-ce perdu s’écoule la sangle des baisers au flanc crépu des amants à dégringoler vlan l’étendue repue du silence Amen grignotent les dents de souris sous l’oreiller les perles récitées en bafouillant perdu perdu perdu où est-ce caché »

    Hélène Mohone
    Torpeur
    La Cabane, 2007

    ESCALE DU LIVRE

    Sur une proposition
    de Sylvie Nève


    Lecture des textes
    d’Hélène Mohone

    par  
    Valérie Rouzeau
    Sylvie Nève


    Librairie Olympique
    23, rue Rode à Bordeaux
    (place du Marché des Chartrons)
     
    vendredi 4 avril
    à 18h 30

  • Jean Daive

    1438346196.jpg« Mais enfin un lit, même improvisé, n’est-il pas toujours un lieu que l’amour rend inaccessible, puisqu’il prescrit tout autre chose que le spectacle pour lequel il est préparé : dormir ? Nous dormons dans l’amour, en effet, mais nous introduisons un espace insoupçonné qui fait apparaître le véritable centre de la scène, la pure réciprocité. Je te caresse, tu me domines. Je te parle, tu me boudes. Je te touche, tu m’écartes. Cependant, si je ne suis qu’un point rose, je suis auprès de toi en proportion avec le ciel et la nuit où nous brillons. »
    Jean Daive
    Autoportrait aux dormeuses
    P.O.L, 2000

  • Sándor Ferenczi

    643777577.jpg« Nous vivons dans la crainte perpétuelle d’être attaqué par des bêtes dangereuses ou des ennemis féroces : le manteau magique du conte permet toutes les transformations et nous met rapidement hors d’atteinte. Combien il est difficile dans la réalité d’atteindre à un amour qui comble tous nos désirs : le héros du conte est irrésistible, ou bien il séduit d’un geste magique.
    Ainsi le conte, dans lequel les adultes racontent si volontiers à leurs enfants leurs propres désirs insatisfaits et refoulés, donne en vérité une représentation artistique extrême de la situation perdue de la toute-puissance. »
    Sándor Ferenczi
    Le Développement du sens de réalité et ses stades
    in L’Enfant dans l’adulte
    Traduit du hongrois par Judith Dupont et Myriam Viliker
    avec la collaboration de Philippe Garnier
    Payot 1982, rééd. Petite bibliothèque Payot n° 596, 2006

  • Jean-Marie Gleize

    286494902.jpg    « Je me suis demandé comment la mort passait sous la langue.
    Je me suis demandé comment elle poussait dans la bouche.
    Comment elle coupait l’intérieur des joues, les gencives et les lèvres.
    Comment.

    Mais ça n’est rien encore, c’est la transparence des paumes, les mains traversées, tombées.

    Surtout blanche et comme passée au séchoir. »
    Jean-Marie Gleize
    Film à venir
    Coll. Fiction & Cie
    Seuil, 2007

  • Paul Celan

    « IL Y AVAIT DE LA TERRE EN EUX, et
    ils creusaient.

    Ils creusaient, creusaient, ainsi
    passa leur jour, leur nuit. Ils ne louaient pas Dieu
    qui — entendaient-ils — voulait tout ça,
    qui — entendaient-ils — savait tout ça.

    Ils creusaient, et n’entendaient plus rien ;
    ils ne devinrent pas sages, n’inventèrent pas de chanson,
    n’imaginèrent aucune sorte de langue.
    Ils creusaient.

    Il vint un calme, il vint aussi une tempête,
    vinrent toutes les mers.
    Je creuse, tu creuses, il creuse aussi le ver,
    et ce qui chante là-bas dit : ils creusent.

    Ô un, ô nul, ô personne, ô toi :
    où ça menait, si vers nulle part ?
    Ô tu creuses et je creuse, je me creuse jusqu’à toi —
    à notre doigt l’anneau s’éveille. »


    907694841.2.jpgPaul Celan
    La Rose de personne
    Traduit de l’allemand par Martine Broda
    Le Nouveau Commerce, 1979,
    rééd. José Corti, 2002


  • Anne Thébaud

    1578458606.jpg« Elle croyait naïvement qu’écrire allègerait sa peine, ouvrirait une brèche. Les mots n’empêchent pas de se cogner contre les murs, l’ivresse est brève de sentir les ailes du temps battre à ses tempes. L’écriture lui apporte le trop-plein de la conscience en effervescence et c’est dans ces alluvions brassées par le courant cérébral qu’elle accède momentanément à la vie. »
     
    Anne Thébaud
    Sentinelle
    Maurice Nadeau, 2007