Katherine Mansfield en 1917
« J’ai grimpé dans le karaka
Pour atteindre un nid fabriqué de feuilles
Mais doux comme un duvet.
J’ai inventé une chanson sans paroles
Qui s’est prolongée d’elle-même,
Ne devenant triste que vers la fin.
Des pâquerettes poussaient dans l’herbe au pied de l’arbre.
Pour les mettre à l’épreuve, je leur ai dit :
« Je vous couperai la tête et la donnerai à manger
À mes petits enfants. »
Mais elles refusèrent de me prendre pour un oiseau
Et restèrent grandes ouvertes.
Le ciel était comme un nid d’azur aux plumes blanches
Et le soleil était la mère oiseau qui le réchauffe.
Voilà ce que disait ma chanson sans paroles.
Le petit frère remonta l’allée en poussant sa brouette.
De ma robe je fis des ailes et restai immobile.
Quand il s’approcha, je criai: « Twit, twit... »
Un instant, il eut l’air étonné,
Puis il me dit : « Allons, tu n’es pas un oiseau
Je vois tes jambes. »
Que m’importaient les pâquerettes?
Et que m’importait le petit frère ?
Je savais bien, moi, ce que j’étais. »
Katherine Mansfield
Poèmes
Traduction et postface de Anne Wade Minkowski
Artfuyen, 1990