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poèmes

  • Li Shang Yin, « Fleurs qui tombent »

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    Voici que l’invité quitte mon haut pavillon ;

    Dans le petit jardin, les fleurs volettent de ci de là,

    Grandes et petites sur le chemin sinueux ;

    De loin elles accompagnent le soleil vers son déclin.

    Le cœur brisé, comment pourrais-je les balayer ?

    Je les supplie du regard pour qu’elles s’en reviennent.

    Cœur tendre se consume avec le printemps,

    Ce qu’il gagne : un vêtement mouillé de larmes.

     

    Li Shang Yin (812-858)

    Poèmes

    Traduit du chinois par Marie-Thérèse Lambert

    Versant Est, 1980

  • Natsume Sôseki, « Par un rêve de papillon… »

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    Par un rêve de papillon, tâchons à poétiser,

    Restons d’abord loin des hommes, dans un hameau de peinture !

     

    Les fleurs, aperçues à travers le store, apportent le calme ;

    Le vent, passant dessus les terres, ne laisse aucune trace.

     

    Au petit pavillon, thé préparé, fumée qui s’élance ;

    Dans la cour à midi, livres à l’évent, moineaux qui piaillent.

     

    Le siège où l’on se clarifie la pensée, paix quotidienne.

    Après le poème, le silence avec un chaud soleil.

    24 septembre 1916

     

    Natsume Sôseki

    « La période de Meian »

    In Poèmes

    Traduit du chinois  (Japon), présenté et annoté par Alain Colas

    Le Bruit du Temps, 2016

  • Katherine Mansfield, «Lorsque j'étais oiseau»

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    Katherine Mansfield en 1917

     

     

     « J’ai grimpé dans le karaka

    Pour atteindre un nid fabriqué de feuilles

    Mais doux comme un duvet.

    J’ai inventé une chanson sans paroles

    Qui s’est prolongée d’elle-même,

    Ne devenant triste que vers la fin.

    Des pâquerettes poussaient dans l’herbe au pied de l’arbre.

    Pour les mettre à l’épreuve, je leur ai dit :

    « Je vous couperai la tête et la donnerai à manger

    À mes petits enfants. »

    Mais elles refusèrent de me prendre pour un oiseau

    Et restèrent grandes ouvertes.

    Le ciel était comme un nid d’azur aux plumes blanches

    Et le soleil était la mère oiseau qui le réchauffe.

    Voilà ce que disait ma chanson sans paroles.

    Le petit frère remonta l’allée en poussant sa brouette.

    De ma robe je fis des ailes et restai immobile.

    Quand il s’approcha, je criai: « Twit, twit... »

    Un instant, il eut l’air étonné,

    Puis il me dit : « Allons, tu n’es pas un oiseau

    Je vois tes jambes. »

    Que m’importaient les pâquerettes?

    Et que m’importait le petit frère ?

    Je savais bien, moi, ce que j’étais. »

     

    Katherine Mansfield

    Poèmes

    Traduction et postface de Anne Wade Minkowski

    Artfuyen, 1990

  • Emily Jane Brontë, « Il devrait n’être point de désespoir pour toi »

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    « Il devrait n’être point de désespoir pour toi

    Tant que brûlent la nuit les étoiles,

    Tant que le soir répand sa rosée silencieuse,

    Que le soleil dore le matin.

     

    Il devrait n’être point de désespoir, même si les larmes

    Ruissellent comme une rivière :

    Les plus chères de tes années ne sont-elles pas

    Autour de ton cœur à jamais ?

     

    Ceux-ci pleurent, tu pleures, il doit en être ainsi ;

    Les vents soupirent comme tu soupires,

    Et l’Hiver en flocons déverse son chagrin

    Là où gisent les feuilles d’automne.

     

    Pourtant elles revivent, et de leur sort ton sort

    Ne saurait être séparé :

    Poursuis donc ton voyage, sinon ravi de joie,

    Du moins jamais le cœur brisé. »

                                                                                  Novembre 1839

     

    Emily Jane Brontë

    Poèmes

    Choisis et traduits d’après la leçon des manuscrits par Pierre Leyris

    Gallimard, 1963

  • Yunus Emré, « Je goûtais le raisin… »

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    « Je goûtais le raisin de ce prunier

    Lorsque le jardinier atrabilaire

    M’a demandé raison de cette noix

    Que je croquais.

     

    J’ai fait sur le vent du nord

    Bouillir la boue sèche du chaudron

    Puis à mon questionneur j’en ai servi l’essence

    Et je l’y ai trempé.

     

    Le tisserand n’a point encore roulé pelote

    Du fil que je lui ai donné.

    Cependant il me presse

    De prendre sans retard

    Mes trois lés apprêtés.

     

    L’aile d’un moineau fut

    Sur quarante chars chargée.

    Les quarante chars ne l’avancèrent.

    Alors est ainsi demeurée sur les chars immobiles

    Cette aile déployée.

     

    Un aigle par une mouche soulevé

    Fut de trois cent pieds précipité.

    J’ai vu la poussière de la terre.

    Ce fut hier

    Et c’est vrai.

     

    J’ai lutté avec la chimère

    Celle qu’on ne peut saisir.

    Elle enlaça mes jambes

    Ma jeta sur le sol.

    J’ai dû souffrir.

     

    Je ne sais qui de ces monts circulaires

    Me lance cette pierre

    Pour me défigurer.

    Le poisson monte sur le peuplier

    Pour lécher la poix et la saumure.

    La cigogne accouche d’un âne.

    Entendez-vous cette chanson ?

     

    J’ai parlé bas à l’aveugle le sourd m’a compris

    Le muet a dit ma secrète pensée plus haut que je ne puis.

    Yunus enfin a prononcé le mot qui n’est à rien semblable

    Et dont le sens n’existe à cause des médisants. »

     

    Yunus Emré

    Poèmes

    Choisis et traduit par Yves Régnier avec le concours de Burhan Toprak

    GLM, 1949

  • Natsume Sôseki, « Dénigrement de soi servant à clore le cahier des “Copeaux” »

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    « Regardant à froid, je suis aise de m’éloigner du monde,

    Et déraisonnable et si lent à m’attirer les louanges.

     

    Prêt à brocarder les modernes, j’abandonne leur temps ;

    Proche de dauber les anciens, je fréquente leurs livres.

     

    Mon talent semble un vieux bidet poussif autant qu’ombrageux,

    Mon savoir tient de la dépouille d’insecte mince et vide.

     

    Il me restera ce faible pour les brumes du voyage.

    Jugeur de fleuves et de montagnes, je dors sous le chaume. »

    septembre 1889

     

    Natsume Sôseki

    Poèmes

    Traduit du chinois (Japon), présenté et annoté par Alain-Louis Colas

    édition trilingue, chinois, japonais, français

    Le bruit du temps, 2016

    https://www.lebruitdutemps.fr/auteur/natsume-soseki-47

  • Natsume Sôseki, « 16 septembre 1916 »

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    Surtout connu pour ses romans et nouvelles – Je suis un chat, Botchan, Oreiller d’herbes, Petites contes de printemps, À travers la vitre… –, Sôseki a écrit tout au long de sa vie des poèmes en chinois classique (kanshi) qui sont des merveilles de précision, d’émotion, et qui, utilisant les modalités de la poésie chinoise la plus classique, expriment le plus justement sa pensée, son existence, preuves magnifiques d’une rare lucidité sur lui-même et son temps.

     

    « Quand la pensée s’attache au blanc nuage, l’esprit se pose.

    À voir sa propre silhouette, on se sent en compagnie.

     

    Discrètes fleurs s’ouvrant sans effort près de ce ruisselet ;

    Fine pluie venant paisiblement delà cette fenêtre.

     

    Prendre sa canne pour aller jusques aux stèles brisées ;

    Alarmer des oiselets en passant le pontet moussu.

     

    Les fragrantes orchidées que conserve un vallon désert,

    Une exhalaison dans le pays des êtres de valeur. »

     

    Natsume Sôseki

    Poèmes

    Traduit du chinois (Japon), présenté et annoté par Alain-Louis Colas

    édition trilingue, chinois, japonais, français

    Le bruit du temps, 2016

    https://www.lebruitdutemps.fr/auteur/natsume-soseki-47

  • Natsume Sôseki, « Poèmes »

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    DR

     

    « 20 août 1916

     

    Mes tempes sont mal en point, où poussent toutes ces blancheurs ;

    Ces fleurs du temps annoncent qu’un beau jour on a décliné.

     

    Dans la fragrance et la fétidité, quelle est notre quête ?

    En un rêve de papillon nous menons notre existence.

     

    Sandales descendant les degrés, la rosée se disperse ;

    Siège déplacé sur le pavé, les cigales s’alarment.

     

    Le vent salubre partout présent, l’ombre de ce musa,

    Qui berce ma sieste de ses longues feuilles si légères. »

     

    Natsume Sôseki

    Poèmes

    Traduit du chinois (Japon), présenté et annoté par Alain-Louis Cola

    Trilingue – chinois, japonais, français

    Le Bruit du temps, 2016