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Un nécessaire malentendu - Page 78

  • Mathieu Brosseau, Philippe Rahmy & Stéphane Dussel, Mots Tessons

    Une nouvelle maison d’édition, créée par Armand Dupuy, poète, et Stéphane Dussel, peintre, et voici  qu’intrigué on va humer les deux brefs livres qui viennent de paraître.

     

    Dans L’espèce, joli livre à l’italienne, Mathieu Brosseau pose deux questions essentielles (la première sans point d’interrogation cependant…), qui sont aussi les titres de chapitres : « Et s’il ne fallait plus dire/Que les signes du silence » et « Et s’il fallait dire l’absence/quels seraient les signes du silence ? » Tout le projet tient entre ses deux propositions et la réponse, si réponse il y a, nous parvient sous forme d’énoncés, d’entrelacements, d’assonances… dans « le brouhaha des siècles glissés ». Et comme le souligne Fabrice Thumerel dans sa préface : « Ouvrir l’espèce, c’est faire place à l’animal : c’est alors que les signes se font singes. » C’est dit et c’est dire, on va le voir, si les deux premiers livres de Mots Tessons se « parlent ».

     

    Cellules souches se tient bien droit, permettant aux encres, lavis, de se frotter aux textes sur des valeurs de noir et blanc qui se répondent avec pertinence. Car le livre est « fabriqué » à quatre mains et l’on ne sait jamais très bien à qui l’on doit quoi. Bâti à partir d’une lettre de Dussel à Rahmy, dont on retiendra comme éléments déclencheurs ces deux phrases, la première et la dernière : « Il faut d’abord question d’un singe, d’un singe que j’avais sur l’épaule et qui te grignotait les cellules . », « Je ne te connais pas. Tu ne me connais pas. Nous nous connaissons. Le singe est un point de départ. »

    Claude Chambard

     


    Mathieu Brosseau

    L’espèce

    60 p. ; 13 €

     

    Philippe Rahmy & Stéphane Dussel

    Cellules souches

    30 p. ; 15 €


     Cette chronique a paru une première fois dans CCP n° 20, septembre 2010.

    Mathieu Brosseau vient de publier Uns au Castor Astral , nous y reviendrons prochainement.

     

  • Dominique Fourcade, "eux deux fées"

    dominique fourcade,euxdeuxfées,chandeigne« Ne nous ont pas quittés, c’est tout le contraire. Cela veut-il dire qu’ils nous ont emmenés là où ils sont ? Très certainement, une part considérable de nous-mêmes en tous cas, cette part qui ne saurait être détachée d’eux. Ou bien les avions-nous si peu que ce soit précédés, dans cette action d’ensemble ? Et tout de suite une voix : tu te prends pour qui, pour dire ça ? Je me prends pour ce que je suis, personne, à ce stade et depuis toujours. »

     

    Dominique Fourcade

    eux deux fées

    Michel Chandeigne, 2009

  • Bernard Collin, "Une espèce de peau mince"

    Bernard Collin, une espèce de peau mince, chandeigne

    « 21.11


    vous n’avez jamais tiré de lignes aussi droites, retour à bord, dimanche fin d’après-midi, la plus belle et la plus bleue et la plus froide journée, la même journée qu’hier et avant-hier, les trois n’en faisant qu’une et la même carafe entamée sur la table ronde, la quantité d’un verre d’eau qu’il avait bu, avant de sortir, descendre à terre, rien n’a bougé, une pièce a été ajoutée, une tenue de combat verte et trois grandes serviettes ou un drap pour le transport, je viens vous couper les cils, en haut seulement, les cils supérieurs gauches qui tiennent à la paupière et on passe dessus un produit marron, et membrane produit des sons, d’où le rapport entre le corps de la phrase, déchiffrer la musique et ceci, il faudra que vous ayez fait votre toilette pour 8 h et demie, l’opéra s’allume, reste allumé trente secondes, s’éteint, mauvais fonctionnement ou neige ou scène du monument recherchée, spectacle comme l’éclairage d’une pharmacie française avec la croix verte qui s’allume se dilate et s’éteint, vous me copierez mille lignes avant l’opération, ne pas oublier qu’il n’a pas de caractère, le chant a des membres, si la musique est plus divisée que le langage, un chant organisé, un chant articulé, on lirait facilement ce qu’il écrit, parle de l’écriture, il n’est pas toujours compris quand il s’exprime, parle et rien à écouter, rien que je comprenne, écouter c’est perdre son temps, rien à apprendre, perdre son temps, il faut perdre sa vie, rien de solide par là, et si c’est drôle il n’y a pas de preuve, je n’ai pas compris, le verre tremble plus fort sur la table, et la carafe maintenant presque vide, ou le bras de plus en plus lourd en s’appuyant, demander si à jeun c’est sans boire, quand la carafe sera sèche ce sera l’heure de se coucher, je pense à Li. à W. la dernière représentation hier à côté à vol d’oiseau, la peau préparée pour écrire, les cils rasés les yeux grandissent, les yeux sont plus grands, 22, »

     

    Bernard Collin

    Une espèce de peau mince

    Michel Chandeigne, 1995

     

     

  • Emmanuel Hocquard, "Les Coquelicots"

    des espaces qui ne communiquent pas

     

    Un jour, enfant, au cours d’une promenade estivale dans la campagne en fin d’après-midi, j’ai vu des coquelicots en bordure d’un champ, au bout d’une petite route, quelque part entre la Villa Harris et le Cap Malabata.

     

    En dépit de sa banalité, l’impression que m’a laissée cette vision est l’une des plus fortes qu’il m’ait jamais été donné d’éprouver. Chaque fois que je vois des coquelicots, c’est cette image qui revient me faire battre le cœur.

     

    Coquelicot : onomatopée du cri du coq (coquerico, cocorico). Petit pavot sauvage à fleur d’un rouge vif, ainsi nommé par référence à la couleur de la crête du coq.

     

    L’émotion (la sensation, aurait dit Matisse) contient tout. Les circonstances ne l’expliquent pas ; ce sont elles, au contraire, qui se trouvent mises en question.

     

    C’était quelque part au début d’un été. Coquelicots contiennent été et quelque part.

     

    Que dire  de l’impression ressentie alors ? Ni surprise, ni étonnement, ni joie particulière. Juste une légère sensation d’étrangeté. De décalage. Rien d’autre.

     

    Un été. Nulle part. Loin de. À l’écart. Un champ quelconque. Pas d’arbres. Personne. Pas de voix. La petite route — pas un chemin — menant à ce champ et tournant en u pour revenir sur elle-même.

     

    La route des coquelicots.

     

    Aujourd’hui elle n’existe plus. Le champ non plus.

     

    Reste l’image des coquelicots.

     

    L’étrangeté.

     

    La solitude.

     

    Emmanuel Hocquard,CIPM,TangerEmmanuel Hocquard

    Les coquelicots. une grammaire de tanger iii

    Centre international de poésie Marseille,

    coll. ‘“Le Refuge en Méditerranée”’

    avril 2011

    60 p. ; ill. ; 10 € www.cipmarseille.com

  • William Carlos Williams, "Paterson"

    Williams_WilliamCarlos470.jpg« Le feu brûle; c’est la première loi.

    Quand le vent l’attise, les flammes

     

    s’étendent alentour. La parole

    attise les flammes. Tout a été combiné

     

    pour qu’écrire vous

    consume, et non seulement de l’intérieur.

     

    En soi, écrire n’est rien; se mettre

    En condition d’écrire (c’est là

     

    qu’on est possédé) c’est résoudre 90%

    du problème : par la séduction

     

    ou à la force des bras. L’écriture

    devrait nous délivrer, nous

     

    délivrer de ce qui, alors

    que nous progressons, devient--un feu,

     

    un feu destructeur. Car l’écriture

    vous assaille aussi, et on doit

     

    trouver le moyen de la neutraliser--si possible

    à la racine. C’est pourquoi,

     

    pour écrire, faut-il avant tout (à 90%)

    vivre. Les gens y

     

    veillent, non pas en réfléchissant mais

    par une sous-réflexion (ils veulent

     

    être aveugles pour mieux pouvoir

    dire : Nous sommes fiers de vous!

     

    Quel don extraordinaire! Comment trouvez-

    vous le temps nécessaire, vous

     

    qui êtes si occupé? Ça doit être

    merveilleux d’avoir un tel passe-temps.

     

    Mais vous avez toujours été un enfant

    bizarre. Comment va votre mère?)

     

    --La violence du cyclone, le feu,

    le déluge de plomb et enfin

    le prix--

     

    Votre père était si gentil.

    Je me souviens très bien de lui.

     

    Ou : Crénom, Docteur, je suppose que c’est très bien

    Mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire?

    […]

                                                    (en respirant dans les livres)

    les vapeurs âcres,

                                    pour parvenir à déchiffrer

    faussant le sens pour détecter la norme, pour

    traverser le crâne de l’habitude

                                     et atteindre un lieu d’où la tendresse

    les femmes et les enfants sont exclus — une tendresse

    pour ce qui brûle

    […]

    Essoufflée, en toute hâte,

    la multiple nuit (des livres) se lève! se lève

    et entonne (une fois encore) sa chanson, en attendant le

    déshonneur de l’aube

    […]                                                Ça ne durera pas toujours,

    aux abords de l’immense mer, l’immense, immense

    mer, balayée par les vents, la “mer de vin sombre”

     

    Un cyclotron, une criblure

     

                              Et là,

    dans le silence du tabac : dans le tipi ils sont étendus

    en tas (un tas de livres)

                               antagonistes,

                                                      et rêvent de

    tendresse--ils ne peuvent pénétrer, ne peuvent

    secouer la malice du silence (ça les forcerait à

    bouger) mais ils demeurent--des livres

                                                      c’est-à-dire, hommes de l’enfer,

    qu’ils règnent sur la vie qui s’achève.

     

                On me demande d’être clair. Oh clair! Clair!

                Quoi de plus clair, entre tout, que

                rien n’est moins clair, entre un homme et

                son écriture, que de savoir qui est l’homme et

                quoi l’écriture, et lequel des deux a

                le plus de valeur »

     

    William Carlos Williams

    Paterson

    Traduit de l’américain par Yves di Manno

    Flammarion, coll. Textes, 1981, rééd. José Corti, coll. Série américaine, 2005

    Cet extrait est fidèle à l’édition originale française de 1981. La ponctuation particulière a été respectée. Les parties entre […] sont dans le livre narratives et interrompent régulièrement le poème. Il m’a semblé judicieux de donner ce poème sur l’écriture sans ces coupures. Il ne reste plus qu’à lire l’intégralité de cet immense livre.

  • Pascal Quignard, "nostalgia"

    Pascal Quignard, Abîmes, Hofer, Mulhouse, Grasset, Folio«  Le mot nostalgia fut créé par un médecin de Mulhouse qui s’appelait Hofer. Cette invention eut lieu en 1678. Le médecin Hofer essayait de trouver un nom pour définir une maladie qui frappait les soldats mercenaires, particulièrement ceux natifs de Suisse.

    Soudain ces Suisses, piétons ou officiers, sans même chercher à déserter les troupes dans lesquelles ils s’étaient engagés, se laissaient mourir dans le regret de leurs alpages.

    Ils pleurent.

    Quand ils parlent, ils rapportent sans fin les souvenirs des mœurs de leur enfance.

    Ils se pendent aux branches des arbres en nommant les chiens de leurs troupeaux.

    Le médecin Hofer chercha dans son dictionnaire de langue grecque le mot de retour puis préleva celui de souffrance. De l’addition de nostos et d’algos il fit nostalgia.

    En façonnant ce nom, en 1678, il baptisa la maladie des baroques.

    […]

    La nostalgie est une structure du temps humain qui fait songer au solstice dans le ciel.

    […]

    La maladie du retour impossible du perdu — la nostalgia — est le premier vice de la pensée, à côté de l’appétence au langage. »

     

    Pascal Quignard

    Abîmes, extraits du chapitre xii

    Grasset, 2002, rééd. Folio n°4138, 2004

    photo © : C. Chambard

  • Roger Laporte, 20 juillet 1925 — 24 avril 2001

    50516_45486574813_3512335_n.jpgRoger Laporte est mort le mardi 24 avril 2001. Il avait soixante-seize ans. Son œuvre est considérable. Nous devons continuer à la lire, à y trouver des nourritures pour le voyage qui nous reste à faire. Il m’avait confié le manuscrit de ce livre, Écrire la musique, que je suis fier d’avoir publié et de continuer à vendre bon an mal an à quelques poignées d’exemplaires, preuve qu’il y a encore des lecteurs pour ce travail — cette vie — d’écriture à nul autre comparable. On trouvera l’essentiel des textes de Roger Laporte — La Veille, Une voix de fin silence, Pourquoi ?, Fugue, Supplément, Fugue 3, Codicille, Suite et Moriendo — dans le volume Une vie, publié par P.OL. en 1986.

     

    « Pourquoi ma passion pour la lecture m’a-t-elle conduit, à l’âge de treize ou quatorze ans, à m’identifier à un personnage d’écrivain plutôt qu’à un Capitaine au long cours ? Je l’ignore, mais, même si je connaissais le secret de ma “vocation”, je n’aurais pas la réponse à la seule question qui mérite d’être posée : pourquoi ai-je désiré, non pas devenir écrivain, mais écrire tels livres plutôt que tels autres livres ? Pour répondre il me faudrait tout d’abord faire une analyse du champ littéraire et philosophique en 1945, expliquer par exemple que 1943 est pour moi, comme pour d’autres, l’année de parution de Faux pas plutôt que celle de L’Être et le Néant, mais une telle étude, même exhaustive, serait insuffisante, car une certaine idée que je me suis faite de la littérature ne trouve pas son origine dans la Grande Bibliothèque.

    À la réflexion, plus de quarante ans plus tard, et en dépit des risques inhérents à toute reconstitution, je crois pouvoir avancer la proposition suivante : lorsque j’avais dix-huit, dix-neuf ans, à une époque où je n’avais pas encore écrit une seule ligne, ce qui m’a le plus marqué, ce qui a commencé à induire certains effets qui sont devenus lisibles seulement plusieurs décennies plus tard, n’a pas été la littérature, même pas la lecture, certes déterminante de Proust, mais la musique de chambre, très précisément ma première audition de l’intégrale des quatuors à cordes de Beethoven que vint donner à Lyon, salle Rameau, le quatuor Löwenguth. »

     

    Roger Laporte

    Écrire la musique

    Éditions à Passage, 1986

  • Joanne Anton “Le Découragement”

    decouragement.jpgDans la très élégante collection à 6€10, Allia publie un premier livre, qui doit certes à Thomas Bernhard, mais surtout au fait même d’écrire, à l’angoisse, au découragement, à la folie… Tout de digressions souvent drôles, emmené par une pensée en effervescence, obsessionnelle et démentielle souvent, Le Découragement mérite que l’on s’y attarde, et on pourra en profiter pour relire Marcher, que l’on ne  trouve bizarrement que dans « Récits, 1971-1982 » dans la collection Quarto aux éditions Gallimard.

     

     « Dans Marcher de Thomas Bernhard, un homme parle à un autre de la folie d’un autre. Et. Il serait bon de s’en inspirer si d’aventure on marchait nous aussi avec quelqu’un. On parlerait à un autre du découragement d’un autre, comme Oelher parle de la folie de Karrer à un autre.

    On aurait peut-être dû faire ça, pense-t-on à présent sur le boulevard, l’écrivant plus tard. Oh ! On aurait dû ! On remue le couteau dans la plaie du lundi ; tout est bon lundi, tout nous sert lundi à prouver que notre récit sur le découragement ça ne va pas. On aurait dû pousser notre imitation bien plus loin, se dit-on, l’écrira-t-on, et dès mercredi dernier, écrire une conversation où converser de manière conversante avec un autre sur le découragement d’un autre. On s’est trompé de chemin depuis le début. Nous tenons la preuve de ne pas avoir mis notre récit suffisamment sous protection, sinon le jugerions-nous ? Se dit-on Thomas Bernhard, ça ne va pas ? On serait bon pour Steinhof si l’on pensait le contraire de sa pensée, hurlant sur le boulevard que Thomas Bernhard, c’est de la marchandise de rebut autrichien. Et. Qu’à bien y regarder, Marcher, c’est raté. »

     

    Joanne Anton

    Le Découragement

    Allia, 2011

  • Andrzej Stasiuk

    stasiuk_andrzej.jpg«  Oui, la mélancolie et la nostalgie sont le seul moyen de ne pas devenir fou en Allemagne. C’est la seule façon de neutraliser psychiquement ce pays. J’essaie d’imaginer un Allemand en train de pleurer et je rigole. Je n’arrive même pas à imaginer une Allemande qui pleure. Ou alors c’est une immigrée avec un passeport allemand. Oui le monde serait un peu meilleur si on pouvait imaginer un Allemand qui pleure. Hélas. Restent les enfants allemands, les nourrissons allemands. La mélancolie tenue en bride et l’alcool en quantité raisonnable — voilà le seul moyen de survivre à un voyage littéraire de Munich à Hambourg. Regarder les usines Mercedes et ravaler ses larmes. Monter dans le cigare d’argent de l’ICE* et avoir l’automne dans le cœur. Se promener dans le Stade olympique de Berlin et fredonner une mélodie tzigane de Transylvanie. Ne succomber à aucun prix à l’ambiance des rues, des places et des transports en commun. Regarder dans les yeux le citoyen de soixante-dix ans à lunettes à monture dorée assis en face dans le compartiment et boire une gorgée de Jim Beam d’une longueur est-européenne. Le plus souvent, le citoyen détourne le regard, de peur qu’on lui offre à boire. Ce sont des conseils tout simples, mais qui peuvent servir si on part pour une semaine ou deux. »

     

    * Intercity-Express, train à grande vitesse.

     

     

    Andrzej Stasiuk

    Mon Allemagne

    Traduit du polonais par Charles Zaremba

    Christian Bourgois, 2010

  • Lucrèce, “Au cœur des ténèbres…”

    Lucrece.jpg“Au cœur des ténèbres nous voyons ce qui est dans la lumière : car l’air le plus proche, assombri par cette noirceur, et qui est entré le premier dans nos yeux, qui a envahi cette place ouverte, est talonné et rejoint par un air porteur de feux, air lumineux qui purge nos yeux de ces ténèbres et dissipe les noires ombres antérieures ; air plus mobile, aux particules plus nombreuses, plus déliées et, par là, plus puissant. À peine a-t-il empli de lumière les canaux de nos yeux, à peine a-t-il rendu la liberté à ceux qu’assiégeait un air ténébreux, qu’aussitôt, à sa suite, arrivent les simulacres des objets situés dans la lumière, qui peuvent alors assaillir notre vue. Et si, inversement, nous sommes incapables, en pleine lumière, de percer l’intérieur des ténèbres, c’est que l’air plus épais qui s’amasse derrière le jour emplit les canaux des yeux et obstrue tous les accès offerts à la lumière, empêchant l’émission des simulacres d’émouvoir notre vue.”

    Lucrèce “Simulacres et illusions”,

    in La nature des choses

    Traduit du latin par Chantal Labre

    Arléa, 2004

     

  • Deux extraits du "carnet des morts"

    sur Poezibao : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2011/04/anthologie-permanente-claude-chambard.html

     

    sur Littérature de partout : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/archive/2011/04/08/claude-chambard-carnet-des-morts.html

     

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    quelques livres dans la vitrine de la librairie Mollat

     

  • Isabelle Baladine Howald, "La Douleur du retour"

    la_douleur_du_retour.png André du Bouchet est enterré dans le cimetière de Truinas, modeste commune de la Drôme. Philippe Jaccottet a consacré un livre à l’enterrement, à la mémoire de son ami poète, à ce qui les réunissait, au « chagrin qui est une espèce de joie », Truinas, le 21 avril 2001, aux éditions de la Dogana. Ce livre est absolument saisissant qui interroge la poésie devant la mort.

    Quelques années plus tard Isabelle Baladine Howald – qui a lu le livre – a demandé à un couple de ses amis de l’emmener au cimetière de Truinas. Elle marche à petits pas, précautionneux ce qui lui donne une ampleur infinie que le paysage doucement lui restitue en l’acceptant absolument. Elle escalade le muret « un carré d’herbe entre ces vieux murs, une douzaine de tombes éparses ». Le nom sur une ardoise, l’écriture toujours. Que peut la poésie ? Déplacer « vers l’exactitude dans le déplacement lui-même. » C’est tout l’enjeu de ce mince livre qui s’inscrit résolument dans la réflexion que mène Isabelle Baladine Howald « comme sous l’effet d’un souffle » et que son écriture, si personnelle – fragile, friable, souple… – nous restitue  – sens, forme, langue, sentiment. Indispensable en ces temps de disette.

    Claude Chambard

     

    Isabelle Baladine Howald

    La Douleur du retour

    La Cabane

    20 p. ; 6 €

    http://www.editionsdelacabane.fr/