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Un nécessaire malentendu - Page 8

  • Yu Xuanji, « Adressé à Zi’an, de l’autre coté de la rivière Han »

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    Gai Qi, le Caractère poétique de Yu Xuanji (détail), 1825. Musée de la Cité interdite, Pékin

     

    « Au sud du fleuve, au nord du fleuve, regards tristes ;

    Amour et souvenirs partagés, à quoi bon chanter ?

    Les canards mandarins sur le sable dorment au chaud ;

    Les aigrettes oisives volent dans la forêt d’orangers.

    Dans la brume, chants et musiques à peine audibles ;

    Sur l’embarcadère, clair de lune aux teintes foncées.

    Tout près et pourtant si loin est celui à qui je pense ;

    D’autant que j’entends au loin le linge être frappé. »

     

    Yu Xuanji — 844-868

    in « La dynastie des Tang »

    Traduit par Florence Hu-Sterk

    Anthologie de la poésie chinoise

    Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015

  • Li Po, « Au milieu des herbes sauvages j’aperçois une boule de pissenlit »

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    Su Liupeng, Portrait de Li Po ivre, 1844, Musée de Shangai

     

    « Ivre je me rends à la ferme

    je marche en chantant dans la campagne sauvage

    est-ce possible, là au milieu des herbes vertes,

    un autre vieillard à tête blanche ?

    Je le cueille et le tiens face à moi, comme devant un miroir clair

    les mêmes tempes blanches

    humble plante, tu sembles rire de moi

    mais déjà le vent d’est disperse notre tristesse »

     

    Li Po (701-762)

    Buvant seul sous la lune

    traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Mounadarren, 1988

     

    un des derniers poèmes de Li Po, pour tous mes amis Claude

  • Deux poèmes pour fêter l’année du Tigre d’Eau

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    Kyōsai Kawanabe, Tigre sur un rocher, 8 janvier 1878.

    Peinture sur papier, 30,5x122,9 cm. Kyōsai Kawanabe Memorial Museum, Warabi

     

    Wen Zhengming

    « Nuit blanche pour accueillir l’an “Xinhai”

     

    Je m’attendris en vain sur l’année achevée cette nuit

    Dans cette salle aux bougies allumées jusqu’à demain.

    Je ne suis pas triste que l’âge m’ôte mes vieux amis

    Mais honteux de me sentir moins avisé que les jeunes.

    Je ris de voir l’almanach d’un an neuf remplacer l’ancien,

    Éveillé, j’écoute sans me réjouir battre les veilles.

    L’encens est éventé, le vin refroidi, les hommes se taisent,

    Soudain le premier chant du coq annonce l’aurore. »

     

    Wen Zhengming, 1470-1559

    traduit par Martine Valette-Hémery

     

     

    Yan Hongdao

    « Ballade du tigre féroce 

     

    Des cafards rongent la paix du pays,

    Leur voracité dévaste jusqu’aux tombes.

    Les scribes sont soumis aux eunuques,

    Ils piquent comme un essaim de guêpes.

    Les gouverneurs n’osent pas rétorquer,

    Les préfets sont rappelés à la docilité,

    Le petit peuple est soumis à la torture,

    La terre desséchée est devenue stérile.

    Tous les postes de garde et les relais

    Sont fournis de biens en abondance.

    Même si tout grain de sable était d’or,

    Les officiels gagneraient bien davantage.

    Les agents des mines sont des bandits,

    Leur âpreté au gain n’a pas de fond.

    S’ils ne récoltent pas ce qu’ils espèrent

    Ils sont comme des sangliers furieux.

    La région des trois He et des deux Zhe

    Est dégraissée partout jusqu’à la moelle.

    Savons-nous si la gale qui nous afflige

    Ne deviendra pas un horrible ulcère ? »

     

    Yuan Hongdao, 1568-1610

    traduit par Martine Valette-Hémery

    in Anthologie de la poésie de la poésie chinoise

    Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015

     

    Chers amis, ces deux poèmes et cette si belle peinture de Kyôsay Kawanabe, pour nous souhaiter une bonne année du Tigre d’Eau, selon le calendrier chinois.

    Les poèmes ne sont pas gais, ils datent de l’époque très heurtée des Ming. La nôtre n'est pas très réjouissante non plus.
    Je suis triste de voir mes amis mourir et j’aimerais avoir foi en la jeunesse comme Wen Zhengming.

    Ne laissons pas les cafards, les bandits, répandre davantage la gale, évitons l’ulcère. Soyons féroce comme le tigre avec nos ennemis et doux avec nos amis.

  • Sophie & Claude Chambard, le monde parle de cela

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    Sophie Chambard, le monde parle de cela, 2020

     

    Un matin, l’homme qui ne vécut que pour aimer ren­contre la folle d’amour, il lui chuchote : veux-tu partager mon année de printemps, en attendant que le vent se lève & nous porte vers les cinq éléments sur les cinq par­fums, c’est un classique des mutations possibles, il fau­drait graver l’amour dès son apparition sur les pierres de Xiping, que l’on extrait à Luoyang, cinq traités seraient écrits durant la vie, cinq petits traités dont il convien­drait de faire des classiques, des indispensables, nous pourrions, dès lors, de mutation en rites, en poèmes, atteindre le printemps, l’été & l’automne, puis peut-être passer l’hiver sans trop souffrir

     

    pour Sophie, pour aujourd’hui, 30 janvier, & pour après

  • Henri Thomas, « Le Promontoire »

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    Henri Thomas, photogramme du film documentaire de François Barat, 1990 

     

    « Il aimait les histoires drôles, lisait des romans, menait une existence un peu étrange, ­— je crois qu’il était de ces hommes qui aiment la conversation et s’y sentent revivre, parce qu’elle les distrait d’eux-mêmes, les jetant dans l’imprévu de tout ce qui n’est pas eux, où ils redeviennent des hommes amusés de vivre, libres comme si rien n’était de leur préoccupation profonde. De celle-ci, ils ne diront rien ; peut-être l’oublient-ils vraiment en riant ; elle est leur vérité, et qui peut les en détourner, sinon la joie de l’imaginaire, le plaisir d’être dans un monde où chacun vit comme s’il racontait avec ou sans paroles une histoire passionnante et drôle : son existence. […] Mais la vérité d’une conversation ne vient pas de l’exactitude des anecdotes racontées ; elle est dans le mouvement, dans l’invention, dans l’amusement d’une parole qui peut faire apparaître bien des choses et même les plus vraies, détachées de la vie personnelle et projetées dans une réalité ouverte. Aussi, lorsque le pharmacien d’Anvers disait, le regard tourné vers les rochers du bout de la plage : “Il y a là-bas des bains de Diane…”, je crois qu’il livrait au hasard de la parole, en présence d’inconnus (car jusqu’alors nous ne l’avions vu qu’une fois, dans la cuisine de l’hôtel), une pensée, un souvenir, un désir, dominant — un de ces secrets qui profitent d’un instant de langage ouvert pour surgir dans une sorte de lointain, d’où ils reviendront sur celui qui a parlé. »

     

    Henri Thomas

    Le Promontoire  (Prix Fémina, 1961)

    Gallimard, 1961, réédition L’Imaginaire n° 181, 1987

     

    Le livre d’un envoûtement. D’un vertige. Jusqu’au bout. Et l’écriture, l’amour, l’enfance, l’abandon. Un grand livre. Il faut lire Henri Thomas, ne pas l’oublier.

     

  • Marc Guyon, « Volis agonal »

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    Bourgogne 2019 © cchambard

     

     

    « Au bord de la forêt la hardiesse devient tendre.

    Des mers roses et fortes depuis la nue

    quand l’herbe est un crin rare et parfumé

    la coupole cachée mais le dessus clair,

    des nuées si légères

    avec le vent.

    Près des champs

    dans le repos s’établit le village.

    Cela parle, à l’orée

    de la ferme abandonnée.

    Le roux et le vert

    se constituent. À travers les plis

    des navires passent avant l’orage

    selon les destinées.

     

     

    Paysages de parfums, voiles auréolées de mer, semées, rond d’un pelage, sur la prairie fière. Étais-je animal si doux ?

    Le vent lance les cœurs. La semaine porte de feuille en feuille. Mais nous rêvions telle autre joie !

    Prés du front rose de l’été. Beauté nous fut jouet, nous voguions par le destin.

    À l’ombre calme sous le vent, puis dressés, légers. L’étendue d’une seule terre. »

     

    Mac Guyon

    Volis agonal

    Gallimard, 1972

     

    J’ai commencé à lire Marc Guyon dès ce premier livre jusqu’au dernier, le Voyage transparent en 1994. Huit minces livres, poésie, récit – je fus sidéré par le Principe de solitude, bref récit, sous forme de journal, d’un enfermé psychiatrique et par la haine de soi qu'y développait son narrateur – j’avais 28 ans et je commençais à fréquenter les vaniteux & ridicules qui m’ont fait souvent me détester moi-même. Le magnifique Ce qui chante dans le chant, fut de ceux qui me permirent d’oser parfois le poème ; on a de ces illusions n’est-ce pas… Et puis, Marc Guyon, coursier chez Gallimard, son éditeur, s'arrêta là, disparu du mundillo. Il vit quelque part dans le Jura — ou serait-ce dans la grande banlieue de Paris — aux dernières et imprécises nouvelles. C’est mince. Ses livres demeurent dans la bibliothèque et nous ferons passer d’une année l’autre.
    Bonnes fêtes, chers lecteurs solitaires.

  • Pierre de Ronsard, poème CXXXI des Amours de Cassandre

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    Tombe de Pierre de Ronsard au Prieuré de saint Cosme ©cchambard, 2016

     

     

    « Voici le bois, que ma sainte Angelette

    Sur le printemps anime de son chant.

    Voici les fleurs que son pied va marchant,

    Lors que pensive elle s’ébat seulette.

    Io voici la prée verdelette,

    Qui prend vigueur de sa main la touchant,

    Quand pas à pas pillarde va cherchant

    Le bel émail de l’herbe nouvelette.

    Ici chanter, là pleurer je la vis,

    Ici sourire, et là je fus ravi

    De ses beaux yeux par lesquels je dévie :

    Ici s’asseoir, là je la vis danser :

    Sur le métier d’un si vague penser

    Amour ourdit les trames de ma vie. »

     

    Pierre de Ronsard

    Les Amours, 1555 – 1578

     

    Pierre de Ronsard, né en septembre 1524 au château de la Possonnière (Couture-sur-Loir)

    est mort le 27 décembre 1585 au Prieuré de Saint-Cosme (La Riche)

  • Une vie de Maurice Romain C.

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    La fleur rouge, la fleur orangée, fleurs de saison dans le vase bleu entre les oreilles d’ours, près de l’envol des papillons dès que la chaleur est suffisante, tu sais, autour de la table bourguigno-marocaine, imaginée par l’homme à la casquette qui, chaque matin, allumait la forge comme il se rasait, sans vraiment y penser, deux guerres, la marine, les Dardanelles, le gaz moutarde, le rugby à XIII & le croquet, le football & l’opérette à la TSF, il pêchait le long du canal de Bourgogne, de l’Armençon, de l’Ignon & de la Tille, comme il n’aimait pas mentir, il s’efforçait de ne pas voir ce qui le peinait, ça prenait du temps car c’est pire que nettoyer les écuries d’Augias

     

    une vie de Maurice Romain C.

    24 février 1890 — 22 décembre 1971

     

    Claude Chambard, pour Grandpère, depuis 50 années

    inédit, extrait de Un matin, en cours

     

  • Jean de La Fontaine, « Le chat, la belette et le petit lapin »

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    Jean Ignace Isidore Gérard dit Grandville

     

    « Du palais d’un jeune lapin
    Dame Belette un beau matin
    S’empara : c’est une rusée.
    Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
    Elle porta chez lui ses pénates, un jour
    Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
    Parmi le thym et la rosée.
    Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
    Jeannot Lapin retourne aux souterrains séjours.
    La belette avait mis le nez à la fenêtre.
    “Ô Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
    Dit l’animal chassé du paternel logis :
    Ô là, Madame la Belette,
    Que l’on déloge sans trompette,
    Ou je vais avertir tous les rats du pays.”
    La dame au nez pointu répondit que la terre
    Était au premier occupant.
    “C’était un beau sujet de guerre,
    Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant.
    Et quand ce serait un royaume,
    Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
    En a pour toujours fait l’octroi
    À Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
    Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.”
    Jean Lapin allégua la coutume et l’usage.
    “Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
    Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
    L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.”
    “Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
    — Or bien sans crier davantage,
    Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.”
    C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
    Un chat faisant la chattemite,
    Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
    Arbitre expert sur tous les cas.
    Jean Lapin pour juge l’agrée.
    Les voilà tous deux arrivés
    Devant sa Majesté fourrée.
    Grippeminaud leur dit : “Mes enfants, approchez,
    Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.”
    L’un et l’autre approcha ne craignant nulle chose.
    Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,
    Grippeminaud, le bon apôtre,
    Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
    Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.


    Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
    Les petits souverains se rapportants aux Rois. »

     

    Jean de La Fontaine

    Fables (livre VII)

  • Wisława Szymborska, « Certains aiment la poésie »

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    « Certains —

    donc pas tout le monde.

    Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.

    Et sans compter les écoles, où on est bien obligé,

    ainsi que les poètes eux-mêmes,

    on n’arrivera pas à plus de deux sur mille.

     

    Aiment —

    mais on aime aussi le petit salé aux lentilles,

    on aime les compliments, et la couleur bleue,

    on aime cette vieille écharpe,

    on aime imposer ses vues,

    on aime caresser le chien.

     

    La poésie —

    seulement qu’est-ce que ça peut bien être.

    Plus d’une réponse vacillante

    furent données à cette question.

    Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas, et je m’y accroche

    comme à une rampe salutaire. »

     

    Wisława Szymborska, « Fin et début » 1993

    in De la mort sans exagérer, poèmes 1957-2009

    Préface et traduction de Piotr Kaminski

    Poésie / Gallimard 2018

  • Tao Yuangming, « Chant funèbre », en hommage à Jacques Pimpaneau

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    Tao Yuanming par Chen Hongshou

     

    « Quand il y a la vie, il y a forcément la mort,

    Même si le destin ne vous presse vers un fin précoce.

    Hier soir, il était un homme comme les autres,

    Ce matin, il figure au registre des fantômes.

    Le souffle des âmes, vers où se disperse-t-il ?

    Une forme morte est confiée à un cercueil vide.

    Des enfants affectueux cherchent leur père en sanglotant,

    Des amis chers vous caressent en pleurant.

    Les gains et les pertes, je ne les connais plus,

    Du bien et du mal, comment ne serais-je conscient !

    Après mille ans, après dix mille ans,

    Qui connaît votre gloire et vos humiliations !

    Mon seul regret est qu’au cours de cette vie,

    Du vin à boire, je n’ai pu avoir assez. »

     

    Tao Yuangming, (Tao Qian) — 365-427

    extrait de « L’œuvre de Tao Yuangming »

    in Jacques Pimpaneau, Anthologie de la littérature chinoise classique

    Philippe Picquier, 2004, poche 2019

     

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    Jacques Pimpaneau est mort ce 3 novembre à 87 ans.
    Il m’a fait découvrir et aimer la littérature chinoise. Il fut secrétaire de Jean Dubuffet et très lié à Georges Bataille, il l’assista dans ses derniers instants jusqu’à son inhumation au cimetière de Vézelay – la marche entre la maison de Georges Bataille et sa tombe fut une de mes promenades préférées lors de ma résidence chez Jules Roy en 2016.

    En 1972, il a créé le musée Kwok On à Paris, consacré aux Arts et traditions populaires d’Asie, qui a depuis quelques années trouvé refuge au musée de l'Orient à Lisbonne. Il a donné sa bibliothèque au fonds chinois de la bibliothèque municipale de Lyon.

    Jacques Pimpaneau fut non seulement un grand connaisseur, un grand passeur et un grand traducteur de la littérature chinoise, mais il a écrit également quelques petites merveilles comme les Mémoires d’une fleur ou les Quatre saisons de monsieur Wu, et aussi une épatante Célébration de l’ivresse (on trouve tous ses livres chez Philippe Picquier). Son Anthologie ne quitte pas mon établi.

    Je lève donc aujourd’hui ma coupe de vin à sa nouvelle vie de fantôme auprès de tous ceux qu’il a aimé et qu’il vient de retrouver — Tao Yuangming mais aussi nos amis Du Fu, Li Po, Shen Fu, Pu Song Ling, Wang Wei, Su Dungpo. Que leurs chemins soient parfumés et aussi doux que possible.

  • Un matin, un ami…

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    Pascal Quignard & Aline Piboule, église saint-Michel-de-Montaigne, 29 août 2020 © cchambard

     

    pour Pascal,

    ce 23 avril 2021

     

    Un matin, un ami, vers un ami le chemin n’est jamais long puisqu’il est simplement un morceau vivant de soi-même, l’ami on le voit chaque jour, dans les livres & dans les rêves, dans les yeux & dans l’oreille on l’entend depuis l’origine, c’est un ami depuis la plus petite enfance quels que soient nos âges nous nous connaissons toujours déjà, quelles que soient nos langues, quels que soient nos lieux – le lieu de l’amitié est un kraal, dans ce kraal dort l’ami, dans ce kraal l’ami écrit, dans ce kraal, qui est un pays sans langage, la nuit n’est jamais obstinément noire, c’est le lieu de la vie vivante où partager la vie secrète qui a la couleur & le parfum des mûres

     

    Claude Chambard

    inédit, extrait de Un matin, en cours