Jean-Louis Baudry, « Les Corps vulnérables »
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« Le désir d’écrire a quelque chose en lui qui le rend tenace et instable et paradoxal : il ambitionne de donner un peu de consistance au moi de l’écrivain, alors que celui-ci fait d’abord, en se confrontant au langage, l’expérience de l’altérité qui le constitue. Mais il implique de plus une contradiction peu différente de celle qui travaille le désir sexuel. Il préexiste à l’objet sur lequel il se portera. Il ignore tout de lui. On veut écrire avant de savoir ce qu’on écrira. Celui qui écrit aimerait s’éprendre de l’objet qu’il découvre en écrivant mais, à moins que le narcissisme ne l’aveugle, ce qu’il écrit à toutes les chances de lui apparaître contingent et mineur au regard de ces choses essentielles qu’il ne se sent pas en mesure d’aborder. C’est ce qui rend le souci d’écrire si fragile devant l’amour qui, lui, se définit justement par l’unité enfin trouvée d’un désir et d’un objet. »
Jean-Louis Baudry
Les Corps vulnérables
L’Atelier contemporain, 2017
http://www.editionslateliercontemporain.net/mot/jean-louis-baudry